Mieux comprendre ce qu’est l’addiction aux jeux vidéo

C’est quoi « l’addiction » en santé mentale.

Tout d’abord, l’addiction peut se définir comme l’intolérance, les difficultés de gestion du manque et de l’envie et du désir excessif envers une chose/personne/stimulus qui vont entraîner des difficultés considérables et des problèmes de fonctionnement au quotidien chez l’individu qui cesse le contact ou la consommation de la chose/personne/stimulus  (Organisation mondiale de la santé, 2018).

Un important critère à observer est alors le niveau de fonctionnement social, relationnel, affectif de la personne qui pourrait résulter de la sur-utilisation d’un objet, ici des jeux vidéo (Byun et al., 2009).

En santé mentale au Québec, il existe deux principales ressources pour les diagnostics, soit le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’Association américaine de psychiatrie (APA) et la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM).

Le DSM en est à sa 5ème édition qui a été révisée en 2013. Dans cette nouvelle version, on retrouve l’appellation « Troubles liés aux substances « et les « Troubles addictifs » (addictions comportementales). Un trouble reconnu dans les Troubles addictifs est le Jeu pathologique (Gambling disorder) (Gazel, Fatséas et Auriacombe, 2014).

Qu’est-ce que le Trouble du jeu vidéo sur Internet?

Ainsi, ce que nous pouvons appeler le « Trouble du jeu vidéo sur Internet » ou « Internet Gaming Disorder », n’est pas encore considéré comme un trouble diagnostiqué officiellement en santé mentale, mais est considéré comme l’un des troubles à l’étude pour les futures éditions du DSM. 

Le diagnostic serait envisageable lorsque le jeu vidéo causerait une déficience ou une détresse significative dans plusieurs aspects de la vie d’une personne. Cette condition serait limitée aux jeux vidéo et n’inclurait pas les problèmes liés à l’utilisation d’Internet, aux jeux d’argent en ligne ou à l’utilisation des médias sociaux. Les symptômes proposés du trouble du jeu sur Internet seraient :

  1. une préoccupation pour le jeu;
  2. Des symptômes de sevrage lorsque le jeu est supprimé ou impossible (tristesse, anxiété, irritabilité);
  3. Tolérance, besoin de passer plus de temps à jouer pour satisfaire l’envie;
  4. L’incapacité à réduire le jeu, les tentatives infructueuses d’arrêter de jouer;
  5. Abandon d’autres activités, perte d’intérêt pour des activités auparavant appréciées à cause du jeu;
  6. Continuer à jouer malgré les problèmes;
  7. Tromper les membres de la famille ou d’autres personnes sur le temps passé à jouer;
  8. L’utilisation du jeu pour soulager des humeurs négatives, comme la culpabilité ou le désespoir;
  9. Risque, avoir mis en péril ou perdu un emploi ou une relation à cause du jeu.

Selon les critères proposés, un diagnostic de Trouble du jeu sur Internet nécessiterait de ressentir au moins cinq de ces symptômes au cours d’une année. 

Les auteurs du DSM-5 ont toutefois considéré que les recherches scientifiques étaient insuffisantes pour définir l’Internet gaming disorder comme un trouble incontestable, et l’ont introduit dans la section des pathologies nécessitant plus d’études (APA, 2013; (Gazel, Fatséas et Auriacombe, 2014; Parekh, 2018).

Cependant le concept de trouble du jeu vidéo a fait débat au sein de la communauté scientifique. 

Un Trouble qui concerne peu de joueurs

Certaines études menées aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Allemagne ont démontrés que 0,3 à 1,0 % de la population générale pourrait répondre à un diagnostic potentiel de Trouble du jeu sur Internet.

Il y aurait alors une distinction importante entre l’engagement passionné (une personne qui est enthousiaste et concentrée sur le jeu vidéo) et la pathologie (une personne qui souffre d’une addiction) (Parekh, 2018; Zastrow, 2017).

Malgré les faibles probabilités statistiquement parlant d’avoir une addiction aux jeux vidéo, plusieurs parents et/ou enfants-adolescents pourraient être inquiets d’avoir des symptômes ou d’avoir même un diagnostic de Trouble du jeu. Le prochain article abordera plus en détails les critères diagnostics et surtout, comment bien les identifier à la maison, pour intervenir au bon moment!

Les comportements des joueurs à observer

Malgré qu’une faible proportion de la population générale souffre du Trouble du jeu, il est possible d’avoir des symptômes présents qui engendre des problèmes de fonctionnement. Les joueurs de jeux vidéo et leur famille doivent alors être attentifs au temps consacré au jeu, en particulier lorsque les joueurs excluent d’autres activités quotidiennes, ainsi qu’à tout changement dans leur santé physique ou psychologique et dans leur fonctionnement social qui pourrait être attribué à leur comportement de jeu.

Plus spécifiques, certaines études ont identifié quatre critères validés scientifiquement dans les comportements à risque d’addiction des joueurs :

  1. La perte de contrôle du joueur : perte de contrôle et de fonctionnement dans son quotidien, ex : ne plus manger, ne pas dormir…
  2. La perte d’intérêt ou l’abandon des activités antérieures : Une perte à cause d’un usage excessif et problématique des jeux vidéo. Plus une personne ne perd intérêt en ces activités antérieures, plus les symptômes de gravité du Trouble du jeu sur Internet sont sévères.
  3. Une poursuite de l’utilisation excessive des jeux malgré la connaissance et la prise de conscience des dommages : Plus une personne décide consciemment de continuer l’utilisation des jeux vidéo, malgré des dommages sociaux, familiaux, physiques… plus les symptômes de gravité du Trouble du jeu sur Internet ne sont sévères.
  4. Mise en danger ou une perte d’une relation importante, d’un emploi ou des études : Ce symptôme n’est pas fréquemment présent, mais démontre un signe d’addiction comportemental grave et nécessite une intervention rapide.
Les critères qui ne sont pas associés à un Trouble du jeu sur Internet
  1. L’addiction à Internet : Les jeux vidéo en ligne et les jeux vidéo non connectés à Internet peuvent être inclus dans le Trouble du jeu sur Internet. L’addiction à Internet (médias sociaux, pornographie, jeux de hasard…) est une addiction distincte de celle des jeux vidéo et ne fait pas partie du Trouble du jeu sur Internet.
  2. Le temps passé à jouer : La quantité de temps passé à jouer ou la fréquence de jeu ne sont pas des critères diagnostiques du Trouble du jeu sur Internet. Ainsi, le temps consacré à jouer dépend majoritairement de facteurs sociaux, tels que le temps libre, le nombre d’activités externe au jeu, le temps passé en famille…
  3. La fixation sur un seul jeu : Être passionné par un jeu vidéo ne veux pas signifier que la personne est en addiction aux jeux vidéo. Ainsi, pour être considéré comme problématique, les préjudices doivent être entrainés par tous les types de jeux vidéo, et pas un seul jeu (Leouzon, 2018).

Les conséquences observables de l’addiction aux jeux vidéo

Plusieurs conséquences mieux étudiées peuvent être observés chez les individus en situation d’addiction ou de jeu pathologiques. Tels que :

  • une santé physique détériorée;
  • un bien-être émotionnel dégradé; 
  • une vie sociale limitée;
  • les performances scolaires globales;
  • une capacité d’attention réduite;
  •  une diminution du contrôle des impulsions; 
  • l’absentéisme scolaire;
  • l’omission des devoirs au profit des jeux vidéo;
  • de moins bonnes capacités de lecture et d’écriture;
  • un effet négatif sur la vie sociale physique/en personne;
  • des méthodes de communication difficiles en temps réel (Jhee, Ting et Woo, 2019).

Ces conséquences peuvent être présentent chez les joueurs souffrant du Trouble du jeu sur Internet, mais ne sont pas des signes du Trouble. Ainsi, un jeune dont la santé physique est détériorée ou qui a des difficultés de communication n’est pas nécessairement en addiction aux jeux vidéo.

Conclusion

L’on peut observer que les critères pour avoir le diagnostic clinique-médical de Trouble du jeu sur Internet sont encore mitigés. Néanmoins, certains comportements ont été identifiés comme réellement problématiques. Il est alors important de porter attention à ces comportements chez vos enfants-adolescents ou vous-même, afin d’éviter les conséquences de l’addiction. 

Elsa Brais-Dussault, D.Psy

Psychologue, chercheure et conférencière